Au Nid de Brebis

Le Nid de Brebis


mercredi 28 mai 2014

Elevage de moutons et transhumance

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L'Alpe » L’Alpe 03 : transhumances

L'Alpe » L’Alpe 03 : transhumances

Alpes à vaches ou Alpes à moutons ?

Haro sur les chromos

Ovins et bovins se partagent-ils les Alpes selon un ordre naturel ? Leur répartition est-elle le fruit du hasard ou de la nécessité ? De la nature ou de la culture ? Au-delà des clichés, un géographe démêle l’écheveau d’un bestiaire en mouvance, fluctuant au gré des aléas de l’histoire et des avatars des civilisations. Par Bernard Debarbieux, directeur du laboratoire de recherche, de l’Institut de géographie alpine à Grenoble.

Le sage et le nomade

Un troupeau pâture et ce seul spectacle suffit à calmer nos craintes et à apaiser nos doutes en cette fin de siècle pourtant si chargée de raisons de désespérer de l’homme. Pourquoi ? Pour le repère qu’il fournit, apparemment épargné des turbulences de l’histoire ? Pour la promesse qu’il porte d’un cycle de vie qui s’accomplira et recommencera, inévitablement ? Ou pour la relation d’équilibre que cette activité humaine reste capable d’entretenir avec l’environnement naturel ? Par Jean-Claude Duclos, directeur-adjoint, du Musée dauphinois à Grenoble.

Le « transhumoriste » alpin

F’Murrr, mode d’emploi

En clin d’oeil au dessin que F’Murrr a réalisé pour les rabats de couverture de ce numéro de L’Alpe, voici ici décrit par le menu l’univers surréalistico-loufoque du seul auteur de bande dessinée qui se soit jamais intéressé à la transhumance. Portrait presque chinois d’un monomaniaque amoureux de l’alpe… Par Yves Frémion, conseiller régional, ancien député européen,, écologiste, iconologue et zygomaticien.

Bergers qui dormez sous les étoiles…

Pourquoi le pâtre joue-t-il souvent de la flûte (quand ce n’est pas de la cornemuse !) dans les scènes représentant la Nativité ? Jacques Lacarrière propose ici une étonnante réponse à cette énigme millénaire. Une interprétation glanée lors d’un voyage dans les montagnes de Cappadoce.

Ces étraves qui fendaient le mistral…

Il y a deux mille ans, des dizaines de milliers de brebis attendent de prendre le chemin des alpages, blotties à l’abri du mistral dans les grandes bergeries de la Crau… C’est du moins ce que permettent de supposer des fouilles récentes qui bouleversent l’état de nos connaissances sur les transhumances de l’Antiquité. Les colons romains furent-ils les précurseurs de nos bergers alpins ? Par Otello Badan, technicien à la Réserve naturelle de Camargue, Jean-Pierre Brun, chargé de recherche au CNRS, d’Aix-en-Provence et Gaëtan Congès, conservateur du patrimoine, en Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
Vue aérienne de la bergerie romaine n°1 (dire du Petit Abondoux) à Saint-Martin-de-Craux, avec son extrémité en forme d'étrave pointée vers le nord en direction de la vallée du Rhône et du mistral. On distingue, sur la gauche, les traces de deux enclos, au sud, la partie antérieure d'une bergerie plus ancienne détruite à l'époque romaine et à l'ouest, un secteur de petits enclos ouverts dont on ignore l'usage ainsi qu'un four à pain circulaire. Photo : Marc Heller et Christian Hussy (servcie régional de l'archéologie Provence-Alpes-Côte-d'Azur).

Des transhumants qui ont fait l’histoire

Dès le XIIe siècle, une transhumance au long cours s’installe dans les montagnes du Dauphiné. Ce va-et-vient régulier d’hommes et de troupeaux, qui fluctue tel une marée, hiver comme été, des prairies d’en bas aux alpages d’en haut, va marquer dès lors, et pour bien longtemps, le mode de vie des populations alpines. Par Henri Falque-Vert, professeur émérite d’histoire du Moyen Âge, à l’université de Grenoble.

Transhumants au quinzième siècle

Les carnets de voyages

Quels vivants récits que ces témoignages écrits qui s’étendent de 1460 à 1480 ! Les registres d’Alzias Raouls, intendant des troupeaux du roi René, le carnet de Peyre Barruel, son baïle, son maître berger, ou encore le journal de Noé de Barras, entrepreneur en transhumance, embrassent le pays d’Aix et le nord de l’actuel département des Alpes-de-Haute-Provence. Ils permettent aujourd’hui d’esquisser le scénario crédible d’une transhumance en Provence à la fin du XVe siècle. Moteur. Action. Par Jean-Yves Royer, psychologue de formation, enseignant, berger,, comédien, peintre et carillonneur.
Le carnet de Peyre Barruel pour l'année 1460. Le maître-berger utilisant, pour écrire ce carnet, les compétences des uns ou des autres, il arrive que les écritures diffèrent. Collection Archives départementales des Bouches-du-Rhône.

La nouvelle vie du fouet de Sorède

Dans un petit village des Pyrénées, un centre d’aide par le travail perpétue une tradition séculaire : la fabrication de fouets de bergers en micocoulier tressé. Visite guidée. Par Denis Chevallier, ethnologue, conservateur en chef du patrimoine, à la Direction de l’architecture et du patrimoine à Paris.
Photo : Yves Bobin

Paroles de bergers

Vocation avant tout, le métier de berger est une profession à part entière qui requiert un subtil mélange de technique et d’instinct. Plus que jamais, les bergers ont un rôle à jouer pour préserver l’identité d’une pratique menacée et ils le disent avec passion. Des paroles qu’il faut savoir écouter… Par Marc Mallen, ethnopastoraliste.
Pierre a soixante-quatorze ans. Né à Canosio, en Italie, il garde les brebis depuis son enfance. Trente ans déjà qu'il vient chaque été, d'une manière quasi monastique, sur les alpages des hauts-plateaux du Vercors. Son travail à lui, ce n'est que cela : faire manger en trois mois toute cette montagne. Il y a les coins pour la fin juin et les longs jours de juillet, les autres pour août et pour septembre quand le mauvais temps prend ses quartiers. Il y en a de pentus et il y en a de plats, des boisés qu'il n'aime pas et d'autres où l'oeil embrasse la moitié du département. Tout se ressemble et rien n'est pareil. Photo : Francis Helgorsky.

La transhumance des glaces

Les neiges du Tyrol accueillent, deux fois par an, de longues cohortes de moutons au pas hésitant. Partis du Haut-Adige, ils grimpent vaillamment pour rejoindre les alpages de l’Ötztal et franchissent des cols enneigés à trois mille mètres d’altitude en suivant des parcours millénaires. Une survivance des transhumances qu’a sans doute connues Ötzi. Par Hans Haid, ethnologue, spécialiste des dialectes et du monde rural, notamment tyrolien.
Photo : Michel Ferrer

Les nomades du Piémont

Chemineaux permanents des pâturages, certains bergers de la région de Biella, en Italie, continuent à mener leurs troupeaux dans une éternelle transhumance. Un étonnant vagabondage entre plaines lombardes et alpages montagnards. Cette pratique est menacée et anachronique, mais elle persiste envers et contre tout. Par Gustavo Burati, docteur en droit, professeur de français à Biella.

Les oubliés de la Pashmina

Au coeur du Ladakh, un peuple de bergers transhume encore entre hauts plateaux tibétains et collines du Cachemire. Catherine Mangeot a vécu plusieurs mois avec les Rupshu-pa, les hommes du Rupshu, dont l’espace vital est aujourd’hui dramatiquement amputé depuis l’annexion du Tibet par la Chine. Par Catherine Mangeot, ethnologue, aphotographe, conseiller technique au musée de l’Homme.
Photos : Catherine Mangeot

Des petites bêtes qui montent

Le bestiaire de la transhumance est riche et varié. Toute brebis n’est en effet pas apte à supporter les rigueurs de l’alpe. Longues marches sur de rudes sentiers, nourriture parfois incertaine, frimas des hautes montagnes réclament d’avoir bon pied, estomac d’acier et toison fournie. Par Marc Mallen, ethnopastoraliste et Jean-Marc Pelenc, consultant indépendant en recherche et développement rural.

Le loup est dans la bergerie (texte intégral)

La bête est de retour dans cette immense bergerie à ciel ouvert que sont les Alpes occidentales. Après le Mercantour, le loup a poussé l’été dernier des incursions en Dauphiné, en Savoie et jusqu’en Suisse, dans le Valais, s’attaquant à plusieurs troupeaux de moutons. Sous la houlette de Jean-Claude Duclos, le Musée dauphinois a récemment organisé une table-ronde sur le thème, brûlant, de la cohabitation du loup et des bergers transhumants. Morceaux choisis.

Plaidoyer pour une montagne des troupeaux et des pâtres

Le pouls du monde. Ne serait-ce pas ce moutonnement des troupeaux le long des pentes, ce vaste mouvement qui bat au rythme des saisons ? La transhumance est la respiration de la montagne, le souffle capable d’oxygéner nos sociétés anémiées, plaide Roger Canac, qui se fait l’avocat du monde pastoral. Par Roger Canac, écrivain, Ancien guide de montagne et maître d’école.
Création originale de Chloé Poizat pour L'Alpe
ET ENCORE…

Portfolio : Turner et les Alpes

Carnet de croquis à la main, le plus célèbre des romantiques anglais a sillonné les montagnes de Grenoble à Zürich en passant par Genève, le Mont-Blanc, le val d’Aoste et la plupart des cantons helvétiques. Son « journal de bord » est un ensemble remarquable d’oeuvres qui brossent le portrait d’un pays en même temps qu’elles dévoilent les évolutions d’un artiste et de ses intentions. Un long voyage aux confins de l’esthétique d’une époque. Soixante-douze ans plus tard, Monet « inventait » l’impressionnisme… Par David Blayney Brown, conservateur de la collection Turner, à la Tate Gallery à Londres.
Turner : le passage du mont Saint-Gothard, pris du milieu du Teufelsbrücke (pont du Diable), Suisse. 1804. Aquarelle sur papier. 101 x 68 cm. Abbot Hall Art Gallery, Kendal.

La cuisine de l’alpe

Ses saveurs et ses odeurs sont inscrites dans nos souvenirs. Pourtant, en la découvrant mieux, on aperçoit toutes ses subtilités enrichies d’influences multiples. Au-delà du pittoresque, la gastronomie alpine telle que nous la présente Thierry Thorens prend toute sa dimension. Celle d’une cuisine vivante, inventive et à la personnalité bien affirmée. Par Thierry Thorens, compagnon cuisinier et restaurateur à Morzine,, élève de Paul Bocuse.

Il était une fois… La bonne fée de Tamangur

Inédit en français, ce conte est extrait de Las fluors dal desert (Éditions de famille, Zernez, 1993). Le statut de ce texte (dont le titre original est La Diala da Tamangur) reste difficile à cerner. Sans doute ne s’agit-il pas de la transcription pure et simple d’une légende de tradition orale dont il présente pourtant les traits stylistiques. La tradition familiale rapporte qu’une vieille femme de Sent, Duonnanda Baua (Tante Baua), racontait ces histoires à Cla Biert vers 1950. L’histoire se déroule à plus de 2 000 mètres d’altitude entre la Basse-Engadine et le Val Müstair, dans le périmètre protégé de Tamangur qui préserve la plus haute et la plus grande forêt d’arolles d’Europe. Une faune et des sites d’une belle sauvagerie… Par Cla Biert, écrivain de langue rhéto-romanche (1920-1981).

Transhumance-La gueule de l'emploi

photo JMC TRANSHUMANCE L’air sec frémissait dans des odeurs de lavandin et des vibrations... - Jacques-Marie.over-blog.com

TRANSHUMANCE

L’air sec frémissait dans des odeurs de lavandin et des vibrations d’insectes. De lointains bêlements s’interpellaient en rumeurs, au milieu des tintements de clochettes, à peine perceptibles.  Au fond de la vallée, une brume dorée troublait la lumière matinale.
Les hommes marchaient devant le tapis de laine bistre qui bêlant, chevrotant, avalait la route. Chaloupant ici et versant là, les dos laineux, marqués de taches cabalistiques rouges et bleues, moutonnaient sans cesse. Prenant possession de la vallée, ils s’y étalaient aussi loin que portait la vue.
La marche rapide des chiens au pelage blanc et noir rectifiait constamment la colonne. Jappant, grognant, remontant et descendant le troupeau, quêtant l’encouragement des maîtres.  Les ovins hochaient têtes et clochettes, les oreilles en sautoir. À l’écho des sifflements et des interjections gutturales répondaient les aboiements et les cavalcades des sabots qui rentrent dans le rang.
Un vieux bouc biscornu, le pelage grisé, menait en éclaireur la sarabande sur la route des alpages. Ployant le cou sous le poids de sa cloche de tôle, il oscillait, se retournant sans cesse comme pour encourager ses troupes de l’agacement de son grelot.
Le long ruban sans fin de moutons dociles et pressés se déroula jusque tard dans l’après-midi. Les lumières horizontales brassaient encore des volutes de poussières et d’odeurs grasses, quand la vallée s’abandonna au vertige du silence.  

JM
Agneaux (photo P. Fabre)
Agneaux (photo P. Fabre)
Interview de Michelle JALLET, directrice du Centre de Formation professionnelle du Merle à Salon de Provence et de Patrick FABRE, directeur de la Maison de la transhumance.

« On manque de bergers qualifiés en France ». « C’est un métier romantique d’être berger, mais c’est surtout un métier moderne. C’est un métier qui demande beaucoup de technicité. Métier complexe et polyvalent. Il faut avoir plusieurs compétences pour faire ce métier et ce n’est pas un métier facile ».
 «  On distingue plusieurs statuts. Il y a les éleveurs propriétaires du troupeau. Quand il y a un gros troupeau, ce n’est pas eux qui gardent les bêtes. Ils (les) donnent en garde à un berger salarié. Il y a le statut d’exploitant agricole, ce sont les éleveurs et le statut de salarié, ce sont plutôt les bergers ». 
« C’est un vieux métier berger qui n’a cessé d’évoluer, qui désormais demande beaucoup de compétences, qui est rempli de contraintes qu’il faut assumer surtout lorsque l’on est berger transhumant, tels les jeunes que nous formons »
 « Le berger ne va pas prendre en compte la seule composante animale. Il va prendre en compte les animaux, l’économie, l’environnement. Les troupeaux vont avoir de gros impactes sur l’environnement, sur la gestion des espaces, sur leur entretien »
« (C’est) l’un des plus vieux métiers du monde, berger (et) c’est un métier moderne. C’est un métier technique et il faut que les bergers maîtrisent plusieurs aspects du métier. Zootechniques sur l’alimentation, la reproduction, la gestion sanitaire, la sélection des troupeaux. Il faut des résultats économiques et que les brebis donnent le plus d’agneaux en bonne santé. Quand le berger est en montagne, il faut qu’il gère l’environnement et sa vie quotidienne. Il n’est plus isolé dans la montagne, puisqu’il a des moyens de communication de transport, il y a l’héliportage, il est utilisateur d’énergie renouvelable, tous ces aspects-là sont modernes ».
« Les bergers sont souvent seuls, mais pas tant que ça. La montagne et les alpages sont des endroits que l’on doit partager de plus en plus. Il y a d’autres acteurs randonneurs, vététistes, etc. Ce sont des jeunes qui viennent au métier qui ne sont pas issus de l’agriculture. C’est un métier qui demande beaucoup de responsabilités, d’autonomie, des prises d’initiatives et du bon sens ».
« Il y a de plus en plus de femmes qui viennent à la formation du Merle. Cette année, il y a la moitié de la promotion de bergers qui sont des bergères ».
  « Si l’on parle de transhumance, notre pays (la France), avec la région (PACA) et les Pyrénées, le Massif Central est celui où elle s’est le mieux maintenue ».
 « La transhumance, la plupart du temps, c’est en camion aujourd’hui. Sur la région Provence Alpes Côte d’Azur, il y à peu près 600 000 brebis. C’est économiquement quelque chose de très fort. Il y a encore 25 000 brebis qui montent à pied vers les Alpages, essentiellement depuis le Haut Var ou des Alpes de Haute Provence. Ces bergers, ces éleveurs ont gardé cette passion de faire la route. (Cela) permets d’économiser le coût du transport et les bêtes s’adaptent plus facilement. C’est une passion (pour) ces éleveurs, mais c’est de plus en plus compliqué, parce qu’il y a de plus en plus de circulation » ;
« La nécessité de faire monter les moutons dans les alpages est d’abord économique. Il fait trop chaud dans nos régions, en bas. Les brebis vont prendre le bon air de la montagne, la bonne herbe des alpages. Ça leur permet de reconstituer leurs réserves corporelles, c'est-à-dire de faire de la viande, de faire du gras, pour des agneaux qui seront vendus à la descente de montagne. Et puis ça leur permet aussi d’assurer leurs gestations parce que dans notre système transhumant, les brebis sont gestantes l’été et elles vont mettre bas à l’automne ». 
« Il y a la brebis qui est la femelle et le bélier qui est le mâle. Le mouton a été domestiqué il y à peu près 8 à 9 000 ans.  (Il) est présent dans les cinq continents. Aujourd’hui on élève surtout des brebis, puisqu’on produit des agneaux et donc de la viande. Quand on dit troupeau de moutons dans un pré, ce sont en général des troupeaux de brebis pour pouvoir produire des agneaux. On compte un bélier pour 40 femelles ».
« On est dans des systèmes extensifs. On a modernisé. Les brebis, les agneaux, les béliers ont la chance de manger de l’herbe. Ce sont des troupeaux qui sont toute l’année au pâturage entre la Provence et les Alpes, tous les jours, toute l’année. Sauf en cas de très, très mauvais temps (ils) sont dehors à manger de l’herbe. Ce n’est pas industrialisé, on joue sur la complémentarité plaine et montagne, les agneaux sont avec leur brebis mères. C’est un système presque naturel ».
 « Au niveau de l’élevage du mouton, on est soumis à la concurrence de la Grande-Bretagne par rapport à la commercialisation des agneaux et notamment de l’hémisphère sud Australie et Nouvelle-Zélande. Ceci dit, dans notre région, on mange beaucoup d’agneau. Le mouton c’est l’animal de la méditerranée. On produit dans notre région seulement deux agneaux sur dix consommés. On ne s’offusque pas des importations qui arrivent ».
« On ne produit plus pour la laine, comme avant. La laine … ne rapporte plus grand-chose. Nos trois races principales, c’est la Mérinos d’Arles, après on va trouver la Préalpes et la Rouge de Guillaume. On essaie de revaloriser la laine mérinos qui est de qualité. Il y a un marché qui semble se rouvrir pour cela. Mais on produit surtout pour la viande dans nos systèmes. D’autres régions produisent pour du lait comme dans le bassin de Roquefort et dans les Pyrénées aussi avec des fromages de brebis tel que l’Ossau-iraty. En Provence on va produire du lait de chèvre. Ce n’est pas un bassin de production de lait de brebis, sauf en proximité du Piedmont. Comme avec des races de brebis comme les Brigasques, mais dont les troupeaux ont beaucoup diminué ».
«  Nous on ne crie pas au loup, en tant que centre de formation on n’est pas appelé à prendre position sur la présence ou non du loup. On fait passer à nos élèves que c’est une contrainte supplémentaire au métier et on va leur donner les moyens de s’en protéger. On va leur expliquer ce que peut faire la présence d’un loup et d’une attaque sur le troupeau et quelques sont les moyens de protection. Il y a les chiens de protection qui sont des Montagnes des Pyrénées  ou des Bergers d’Anatolie, donc des races qui vont protéger le troupeau des chiens de défense qui iraient éventuellement se battre contre un loup ou qui vont dissuadé l’attaquent en faisant peur au loup. Et puis il y a les chiens de garde plutôt dans des races comme le Border Collie,  ce sont des chiens de travail, c'est-à-dire qu’ils vont aider le berger à gérer son troupeau dans l’espace. Qui va ramener les brebis au parc le soir. Le berger peut-être amené à avoir ces deux types de chiens c’est une contrainte supplémentaire puisqu’il doit gérer les troupeaux et les chiens ».   
« Les chiens errants attaquent beaucoup moins les troupeaux que ce que l’on entend dire. Le problème des chiens errants existe, mais les chiffres annoncés sont fantaisistes. Cela concerne plutôt les territoires proches des villes, et pas forcément dans nos régions. Le loup nous pose plus de problèmes. Il est présent maintenant partout. Nous disons à la société d’aujourd’hui la contrainte qu’apporte le loup au métier de berger, d’éleveur transhumant et de ce que cela risque de produire pour les années qui viennent. Il y a sans doute à un moment donné des choix à faire entre le pastoralisme et la présence des prédateurs ».  
« Les bergers sont indemnisés lorsque les brebis sont attaquées par des loups, mais lorsque les corps sont retrouvés. Une bête peut être emmenée par le loup, basculer dans un ravin, vous ne la retrouvez pas. Nombre de brebis « prédatées » ne sont pas indemnisées. Il y a le problème des brebis indemnisées, mais il y a surtout toute l’année des contraintes morales, techniques, économiques pour l’éleveur et le berger.  Ça ne se résume pas au nombre de brebis tuées et indemnisées. C’est beaucoup plus complexe que cela ».

Interview recueilli au micro de La Gueule de l’emploi par Jacques Marie pour Radio Dialogue
Bergère et son troupeau dans les Alpes de Haute Provence (photo P. Fabre)
Bergère et son troupeau dans les Alpes de Haute Provence (photo P. Fabre)
Le métier de berger
Missions 
Le berger surveille et conduit le troupeau assure d’ovins et lui dispense des soins si nécessaire. Il travaille  pour le compte d’un ou plusieurs éleveurs. Il réalise éventuellement la transformation fromagère.

Il observe l’état général et le comportement des animaux. Il organise, le parcours qu’il empruntera avec le troupeau lors de l’estive (pâturage de montagne où séjournent les animaux en été). Il dresse et utilise le ou les chiens pour la conduite du troupeau. Exceptionnellement, il peut être amené à assurer l’agnelage, c’est-à-dire la mise bas des brebis.  Il apporte les soins généraux aux bêtes, plaies, sutures, piqûres, etc..

Moyens
Le berger entretient les équipements de l’estive,  qui est la période de l’année où les troupeaux paissent sur les pâturages de montagne, et organise sa vie quotidienne. Il prévoit et commande l’outillage pour les travaux de maintenance. Il exécute les travaux de réparation. Il nettoie le matériel et les équipements. Il prévoit son équipement personnel et son alimentation.

Production
Il réalise la transformation du lait de brebis, affine et conserve le fromage et le prépare pour le transport. Il nettoie le matériel de traite et de transformation.

Perspectives d'évolution professionnelle

Le berger, s’il développe ses connaissances techniques et des capacités de gestion, pourra choisir de s’installer en tant qu’éleveur ovin, en complétant son cursus par un Brevet Professionnel Responsable d’exploitation Agricole BPREA, ou en tant que berger sans terre, c’est à dire en étant propriétaire uniquement des bêtes.

Sainte Germaine Cousin
Sainte Germaine Cousin
SAINTS PATRONS
Sainte Germaine Cousin ou Germaine de Pibrac que l’on fête le 15 juin est la Sainte patronne des bergers du Centre et du Sud-Ouest de la France. Née en 1579, à Pibrac, petit village en proximité de Toulouse, elle est la fille d’un paysan. Orpheline de mère, elle est handicapée de la main et scrofuleuse. Lorsque son père se remarie, elle lui demande de lui laisser garder les troupeaux. Cela lui permit d’échapper à la méchanceté de sa belle-mère. On dit que sa quenouille gardait les troupeaux pendant qu’elle s’abîmait dans la prière ou allait à la messe. Jamais un loup, pourtant fort nombreux à cette époque et en ce lieu, n’attaqua son troupeau.  Particulièrement charitable, elle partageait son maigre pain avec plus pauvre qu’elle. Sa belle-mère l’accusant d’avoir volé du pain, on trouva dans son tablier un bouquet de roses. Elle mourut à l’âge de 22 ans.
Sainte Germaine est aussi la patronne des faibles, des malades, des déshérités.
Saint Véranfêté le 11 septembre, était évêque de Cavaillon au VIe. Avec la grâce de Dieu, il guérissait les malades par un signe de croix. Originaire du Gévaudan, Véran serait mort en l'an 590 dans la ville d'Arles où il s'était rendu pour un Concile. Il fut inhumé dans l'église de Fontaine-de-Vaucluse qui possède son sarcophage mérovingien.
C’est le Saint patron des bergers transhumants de Provence. Il est toujours invoqué pour la guérison des malades.
St Druon que l’on fête le 16 avril  est le saint patron des bergers du Nord de la France. Né orphelin en 1118 du côté de l’actuelle Valencienne. Son père était décédé avant sa naissance et sa mère mourut en couches. Il devint berger et très croyant, entrepris de nombreux pèlerinages à Rome. Lors de ses voyages,  il dispensait de nombreux conseils aux paysans pour la préservation de leurs troupeaux. Il finit sa vie à Sebourg, village du nord de la France, reclus durant 40 ans dans une cellule au chevet de l’église paroissiale. Il décède en1186.
St Loup de Troyes  que l’on fête le 29 juillet est né en 427. Evêque de la ville de Troyes, il assista à l’effondrement de l’Empire romain. Ses bonnes relations avec Attila lui permirent de préserver la région de Champagne de l’invasion des Huns, se positionnant comme le pasteur qui protège son troupeau. Il est mort en 479. 
Il est le saint patron des bergers de l’Est de la France.
St Cuthbert que l’on fête le 29 novembre  est le saint patron des Bergers anglais. Né en 1544 il était berger et vivait en Ecosse. Il devient prêtre anglican et converti au catholicisme, il fut condamné à mort pour « avoir introduit la superstition en pays de Cornwall et célébré la messe romaine ». On l’éventra et le dépeça vivant sur la grande place de Launceston en 1576.
 

Sources : La Fleur des Saint – Omer ENGLEBERT – Albain Michel – 1984
Troupeau dans les Alpilles (photo P.fabre)
Troupeau dans les Alpilles (photo P.fabre)
FORMATIONS DIPLÔMES

BPA Élevage espèce ovine / Bergers transhumants.
Formation qualifiante et diplômante, de niveau V, le Brevet Professionnel Agricole de berger est un diplôme d’ouvrier qualifié en travaux des productions animales, option élevage des ruminants. Cette formation se réalise au travers de stages pratiques se déroulant en au rythme des saisons qui reflètent les périodes de travail de l’élevage ovin transhumant et qui permettent l’acquisition des gestes professionnels.
 
BEPA Conduite de productions agricoles, spécialité productions animales.
Le Brevet d’Études Professionnelles Agricoles, de niveau V, permet au titulaire la conduite de productions agricoles spécialisées dans la production animale. Le titulaire participe aux travaux de l’exploitation agricole en particulier pour la mise en œuvre des opérations et techniques liées à l’élevage.

Titre homologué Berger vacher pluriactif.
Formation certifiante de niveau IV. Elle permet de surveiller et conduire un troupeau en montagne et adapter cette conduite aux particularités d’une estive. Elle qualifie pour les soins aux animaux, la
conduite et le comportement du troupeau, la connaissance de l’estive et l’adaptation à la vie en estive, la  production de fromage en montagne, la connaissance du milieu socio-professionnel et du pastoralisme.

Certificat de spécialisation Conduite de l’élevage ovin.
Cette formation s’adresse en priorité aux futurs éleveurs et techniciens en production ovine. Elle est accessible aux publics adultes, avec ou sans expérience professionnelle, de niveau CAPA jusqu’au BTS, intéressés par la production ovine. Le stage, 50 % du temps de formation, peut être réalisé dans diverses structures en lien avec le projet personnel du stagiaire.
Berger et son troupeau
Berger et son troupeau
ETABLISSEMENTS ET CENTRES DE FORMATION

Centre de Formation Professionnelle Agricole Ariège Commingen
Le Cabirol
B.P.111
Route de Belpech
09100 PAMIERS 
Tél : 05 61 67 04 60

CFPPA ''La Cazotte''
Route de Bournac,
12400 SAINTE AFRIQUE
Tél : 05.65.98.10.35 Fax :
Site internet : www.supagro.fr

CENTRE DE FORMATION DES MERLES 

CFPPA de Salon de Provence
domaine du Merle
route d'Arles
13300 SALON DE PROVENCE
Tél
 : 04 90 17 01 55
Fax : 04 90 17 01 59
courriel : cfppa.salon-de-provence@educagri.fr

CFPPA de Die
 avenue Clairette
 26150 DIE
Tél : 04 75 22 04 19,  fax : 04 75 22 10 11,

Lycée agricole de la Côte Saint André,
Pôle de formation agro-environnemental
57 avenue Charles de Gaulle
BP 83
38260 LA COTE SAINT ANDRE CEDEX
Tél : 04 74 20 40 77
Fax : 04 74 20 38 27
Courriel : legta.cote-st-andre@educagri.fr
Site internet : http://www.formagri38.com

CFPPA Lannemezan
116, 131 chemin du Bidalet
65300 LANNEMEZAN
Tel: 05.62.98.07.94

REINACH FORMATIONS
Etablissement public local agricole de Savoie
Domaine Reinach
73290 LA MOTTE SERVOLEX
LEGTA Tel : 04 79 25 41 80 / Fax : 04 79 25 19 82
CFPPA Tel : 04 79 25 42 02 / Fax : 04 79 25 44 08
FERME REINACH : Tel : 04 79 25 41 28 / Fax : 04 79 44 47 41

ANEFA, Association Nationale pour l’Emploi et la Formation en Agriculture
4, rue Saint Quentin
75010 PARIS,
Tél :01 46 07 58 22 - Fax : 01 46 07 55 50
Site internet : www.anefa.org


Rédigé par Jacques MARIE

« Immunité diplomatique » du lynx et marasme chez les éleveurs de moutons | Factuel.info

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« Immunité diplomatique » du lynx et marasme chez les éleveurs de moutons

L'assemblée générale du Syndicat ovin franc-comtois se tenait à Vesoul ce jour. Les éleveurs de la région, dont le cheptel est au 19ème rang français, se vivent comme les parents pauvres de l'agriculture en dépit d'une reconnaissance écologique de leur activité.
« Les débuts de l'année sont inquiétants, ne mâchons pas nos mots. » Raphaël Farrugia, éleveur à Bonnefontaine dans le Jura et président du Syndicat ovin franc-comtois ne cherche pas à minimiser les difficultés. Mais devant les rangs clairsemés de l'assemblée générale de son organisation à Vesoul, il ne se résigne pas : « notre beau métier a de l'avenir car il y aura de plus en plus de consommateurs dans le monde, pour moins de terres agricoles et moins d'agriculteurs. » Selon lui, l'équation ne peut qu'« aller en faveur des éleveurs ovins ». Elle est complexe sans doute. Raphaël Farugia souligne donc qu'après une revalorisation des aides à l'élevage ovin en 2010, les éleveurs se trouvent à nouveau dans une situation de fragilité. Toutes les charges sont à la hausse « notamment le prix des aliments qui a triplé depuis 2007. » Le prix de l'agneau au premier semestre (5,79 euros le kilo) est le plus bas de ces quatre dernières années. Yoan Aguer, chargé de mission à la Chambre régionale d'agriculture explique : « les Britanniques ont connu de mauvaises conditions climatiques, ce qui a retardé la sortie des agneaux. Ceux-ci se sont trouvés sur le marché en même temps qu'une arrivée massive d'agneaux de Nouvelle Zélande et en France, d'une arrivée des agneaux de Roquefort. Les prix ont alors chuté. La Fédération nationale ovine (FNO) a encouragé les éleveurs à écouler un maximum de leur production », notamment en direction de la grande distribution. Là où, pour nombre d'éleveurs, leurs revenus sont le plus réduits. 
Pour un éleveur jurassien présent, « le marché mondial d'accord (la production française ne fournit que 43% de la demande, les éleveurs ne contestent pas la nécessité d'importer dans ces conditions, NDLR), mais c'est l'éleveur qui est l'oublié dans la filière. Il serait intéressant de faire une moyenne entre les prix de commercialisation de la grande distribution et les prix en circuit court.» Ce dernier mode semble avoir la faveur des éleveurs pour « valoriser leurs produits ». L'élevage ovin est « par nature très proche du bio. » Il est considéré comme un rempart contre la friche, un renfort de la biodiversité mais la certification bio n'est pas encore accessible notamment à cause d'un prix élevé de l'alimentation et du fait d'un cheptel assez réduit.
Une majorité d'éleveurs haut-saônois  
Les éleveurs de moutons savent qu'ils représentent une petite part de l'activité agricole de la région, « la queue de peloton » comme le dit Raphaël Farrugia. De plus, ils sont peu nombreux à adhérer au syndicat ovin : 77 en décembre dernier (90 en 2010) pour environ 480 exploitations de plus de 10 brebis. « Nous sommes venus à Vesoul pour encourager les Haut-Saônois à se fédérer, c'est difficile mais important car ils sont majoritaires dans la profession » insiste le responsable syndical en phase avec l'animatrice et le chargé de mission de la Chambre régionale d'agriculture. C'est aussi l'héritage d'une rivalité quand existaient deux coopératives, l'une en Haute-Saône et l'autre dans le Jura. La première a disparu et le syndicat s'est constitué sur les fondements de la seconde. A ce jour, 43% des adhérents sont installés dans le Jura, 30% dans le Doubs, 26% en Haute-Saône et 1% dans le Territoire de Belfort. C'est probablement pourquoi Raphaël Farrugia se veut mobilisateur : « nous sommes une petite confrérie mais c'est en restant unis et soudés que nous pourrons aller de l'avant. » Il compte sur les jeunes éleveurs, leur installation dans « les nombreuses exploitations qui vont se libérer dans les années à venir » tout en pointant une difficulté « à toucher ceux qui pourraient céder leurs élevages ». Une autre équation à résoudre comme celle du retour de certains locataires de la forêt…
Quid des prédateurs naturels ?
C'est un sujet de troubles, « l'année 2012 a été agitée » même si le président du syndicat reconnait qu'il s'agit surtout de quelques exploitations attaquées de façons récurrentes et qu'« ils ont aussi le droit d'exister ». Le lynx représente cette menace, dans le Jura. Selon Raphaël Farrugia, « l'administration locale s'est mobilisée. Une demande de prélèvement a été faite au Conseil National de Protection de la Nature qui a refusé et répondu qu'il fallait plus de protection. Des opérations d'éffarouchement ont eu lieu à l'automne mais il est difficile de maintenir une telle mobilisation. Des propositions plus durables sont encore à trouver. Il n'y avait qu'un lynx en 2007, ils sont cinq ou six maintenant car rien n'a été fait. La situation s'est bloquée du fait d'une immunité diplomatique que les environnementalistes veulent accorder au lynx. »
Le loup, lui, est de plus en plus repéré au sud du Jura et surtout dans les Vosges (plus de 80 attaques l'année passée) mais sa présence en Franche-Comté n'est pas certifiée. Deux attaques, début février et en fin d'année, sont considérées comme pouvant lui être imputées. Les éleveurs relèvent que le ministère de l'Ecologie a évolué et est conscient des difficultés de gestion de sa présence, différentes en montagne et ailleurs où les troupeaux ne sont pas aussi rassemblés.

Le berger qui n'a pas peur du loup

Le berger qui n'a pas peur du loup | Factuel.info


Le berger qui n'a pas peur du loup

Berger-paysan dans le Haut-Doubs, Gérard Vionnet a passé l'été 2013 sur un alpage des hauts plateaux du Vercors pour expérimenter un système de garde protecteur du troupeau. Chance des débutants ou efficacité ? Il n'y a eu qu'une brebis tuée au lieu de cinquante les années précédentes.
Gérard Vionnet
Vétérinaire de 1979 à 1990, Gérard Vionnet élève depuis 10 ans une dizaine de chevaux de monte et de trait, quelques vaches allaitantes, et quelques brebis pour les agneaux et la laine dans une ferme d'estive de 70 ha à 900 m d'altitude, à Vaux-et-Chantegrue dans le Haut-Doubs. L'été, ses animaux entretiennent des espaces naturels (Natura 2000, pelouses sèches), tandis qu'il accueille en pension une centaine de vaches allaitantes suisses et des génisses montbéliardes. Il participe enfin à projet de réintroduction de céréales, dans le cadre d'un réseau de bergers-boulangers, en lien avec la sortie des quotas laitiers. Il a également été chargé de mission à la Maison de la réserve de Labergement Sainte-Marie de 1986 à juin dernier.

Vous vouliez garder en zone à loup. Pourquoi et comment ?
Je n'avais jamais gardé plus de 200 moutons et je voulais garder avec le loup. Je veux aussi poser le problème du loup dans un contexte large... Ce que cache la problématique loup, c'est qu'on n'a pas les mêmes intérêts que les éleveurs. Les bergers croient les éleveurs solidaires, mais il y a beaucoup de différences. Je l'ai découvert en gardant à deux bergers 2000 brebis dans la réserve naturelle des hauts plateaux du Vercors, la plus grande de France, avec huit alpages de 2000 moutons sur 14.000 hectares.
Cela fait 37 ans que je connais le Vercors. Les hauts plateaux, c'est 40 km de long sur 2 de large, sans habitation, sauvage, plat, sans eau. Parfois, il y a 40 jours sans pluie. Ils récupèrent les eaux superficielles lors des fortes pluies aux sources intermittentes qu'on capte alors pour remplir des réservoirs. 2000 moutons, c'est 7 m3 d'eau en complexe d'abreuvement à gérer avec la mise à disposition d'une vingtaine de bassins.
Marin reconverti depuis deux ans, le berger n'avait jamais fait d'estive dans le Vercors, arrivait sans idée préconçue, avec une solide formation dans la Crau. J'avais le statut d'aide-berger, financé entièrement par les aides publiques, comme les filets de protection pour parcs de nuit et les quatre patous. C'est un dispositif accessible à tous et obligatoire pour être indemnisé en cas d'attaque. Il faut que les deux bergers s'entendent, gardent de la même façon.
Le retour du loup a révolutionné l'itinéraire technique de garde dans les montagnes françaises pour les bergers expérimentés. Pour certains, c'est une grande douleur de renoncer à un type de garde dans une montagne qu'ils adorent, qu'ils connaissent bien, où ils parvenaient à des pratiques de haut niveau. Il leur faut dire adieu à tout ça ! Maintenant, il y a des filets, des chiens, et il faut garder les troupeaux plus serrés.
Avant, il n'y avait pas de point d'eau sur les alpages du Vercors, les brebis mangeaient la nuit et on leur donnait du sel (pour conserver l'eau dans le corps). Maintenant, on met des citernes, comme chez nous dans le Jura, ce qui fait que le berger devra passer au point d'eau tous les trois jours, c'est une nouvelle contrainte. Mais si les brebis ont très soif, elles sur-pâtureront près du point d'eau...
Le berger est devenu banal, même quand il connaît très bien son pâturage. Il n'a jamais voulu changer de pratique, et a subi des attaques...
Comment vous êtes-vous adaptés ?
Depuis 2001, l'alpage de la Grande Cabane que nous avons gardé cette année avait beaucoup d'attaques et de dégâts. Certains bergers refusent de s'adapter. Je suis arrivé sans savoir ce qui m'attendait. Je n'avais ni solution ni objectif. On avait de très bons patous, mais ils ne pouvaient pas s'exprimer efficacement dans l'ancien système de garde. Il faut créer une relation entre les chiens de protection, les chiens de conduite, le troupeau et le berger... Dans le Vercors, nous avons la chance d'avoir un réseau radio financé par la réserve naturelle : il y a deux radios par alpage, en lien avec le gardes de la réserve. On peut agir de manière synchrone et cohérente sur le troupeau quand deux bergers gardent ensemble, ou appeler l'autre quand le troupeau vient de se couper.
Il y a un passage très juste dans le Journal d'un berger nomade, de Pascal Vick, écrit en 1996 : ''Ulysse [le berger] ne soupçonnait pas que l'efficacité est le résultat d'une collaboration étroite entre l'homme et le chien. C'est évident pour leur chien de conduite, mais ils ne savent pas encore avec les patous''.
Pour certains bergers, pour des éleveurs, c'est comme s'il y avait des salauds qui veulent imposer le loup et paient pour le protéger. Mais il faut savoir que les bergers détestent les contraintes. Les écolos des villes, la société, sont à 10.000 lieux de ce que vivent les bergers à qui on ne peut pas imposer de contraintes qui ne soient pas librement consenties. Etre pour ou contre le loup, c'est comme si on me demandait si j'étais pour ou contre la foudre, c'est une contrainte qui fait partie du métier... Pascal Vick écrit encore ''un autre rapport est possible entre le berger et le loup''... Mais il faut entendre le berger qui dit ''écoutez-moi, je n'en peux plus''. Il est berger impuissant, c'est terriblement dévalorisant vis-à-vis de soi-même et des éleveurs... Le bémol à tout cela, c'est mon inexpérience d'autres contextes. Il existe peut-être des alpages non défendables, nous pensons que ce n'est pas le cas du Vercors où nous n'avons pas été les seuls avec très peu d'attaque.
Sur les hauts plateaux du Vercors, un des alpages a été attaqué tout l'été. Les trois bergers étaient séparés et ne pouvaient se relayer, le troupeau était scindé en trois unités géographiques. Ils étaient en net sous effectif de patous, qui en plus n'étaient pas fidélisés à chacun des groupes... Dans ce cas, il n'y a pas d'entraide possible entre bergers. L'anomalie, c'est que sur les trois bergers, deux étaient financés par les aides publiques avec le statut d'aide-berger.
En avez-vous parlé avec eux ?
Non, c'est tabou... Par exemple, les bergers hésitent à parler de l'attaque qu'ils viennent de subir à la radio. Au moins deux autres alpages avaient le même mode de garde que nous, l'un sans patou. Il y a eu une seule attaque et un mort, comme les années précédentes.
Quelle a été votre pratique ?
Ce qui va protéger est la connaissance fine du loup. Il faudrait un socle partagé de connaissances scientifiques. Un exemple : de 2001 à 2012, il y avait eu sur la Grande Cabane chaque année cinq à sept attaques occasionnant une cinquantaine de cadavres. Cet été, le loup n'a consommé en quatre attaques que très partiellement une seule brebis dont le cadavre a aussitôt été protégé par les patous qui ont déboulé en moins d'une minute... Elle a ensuite été mangée par les vautours... Il y a eu deux attaques avec une blessée et une sans victime. Soit on a eu la chance inouïe des débutants, soit c'est l'efficacité de notre mode de garde différent. Il faut laisser peu de viande au loup, le mouton ne représente que 5 à 10% de son régime estival actuel.
Le challenge à mettre en place, on l'a vu sur le Vercors, c'est que la viande de mouton soit plus chère pour le loup. Le loup va manger autre chose si cela lui coûte de se battre avec les patous, de subir des échecs successifs...
On a gardé à deux dans les circonstances les plus difficiles, des zones à relief tourmenté ou boisées, ou en automne quand le troupeau a tendance à se couper car il manque d'herbe, qu'arrive le brouillard et que les loups adolescents s'émancipent en circulant beaucoup. Nous étions alors chacun d'un côté du troupeau très serré pour ne pas le laisser se couper. Sur le Vercors, les mérinos, race très grégaire, se gardent plus facilement que les tarrasconnaises pyrénéennes au caractère plus indépendant. L'utilisation du parc nocturne regroupant toutes les brebis a été systématique, sauf trois ou quatre fois où un groupe a dormi dehors, protégé par un patou.
Si le prédateur sait que son attaque marche, il revient. Il va sur les proies les plus faciles, c'est difficile de l'en empêcher s'il a pris ses habitudes sans avoir été dérangé. Des bergers pensent que le loup l'a vu arriver avec son garde-manger. Mais ce n'est pas comme ça que fonctionne le loup.
Que faire pour connaître le loup ?
Accepter de s'intéresser à lui. Il faut l'état d'esprit de la cohabitation pastorale.
Ce n'est donc pas qu'une affaire de berger !
Si ! Ce sont eux qui sont en première ligne, déprimés, abattus, et parfois avec une mauvaise utilisation des moyens potentiels : patou, filets, salariat d'un autre berger car il faut être deux sur une estive à loup.
Que faire dans le Jura où le loup arrive alors qu'il est là depuis plusieurs années dans les Alpes ? On a entendu des responsables syndicaux parler du loup comme d'un délinquant, lui prêter des intentions malveillantes...
Il faut être prêt, éviter l'anthropomorphisme... Il y a des réponses, multiples selon le contexte, mais elles ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre. D'abord ne pas opposer les militants pro-loup et les éleveurs radicaux, la cristallisation des positions. Parmi les pistes jurassiennes et vosgiennes, on pourrait utiliser lesbarrières de fladry pour les urgences sur des parcs multiplies et de petites tailles. Il faut aussi bien connaître l'alpage ou l'élevage, le loup, le système d'exploitation. Il faut faire comprendre au loup que c'est compliqué de s'attaquer au troupeau, changer nos habitudes, faire des bruits, klaxonner, allumer des lumières à des moments différents afin que ce ne soit jamais pareil, que le prédateur soit dérangé. Dans sa stratégie, il apprécie sans cesse le coût énergétique d'une attaque. Le risque d'être blessé par un patou peut mettre sa vie en danger. Le berger doit avoir ça en tête. Il faut essayer de le stresser, de lui compliquer la vie.
Les troupeaux sont-ils trop gros ?
Le loup pourrait bien être une nouvelle chance pour un pastoralisme qui conviendrait aux bergers... Les bergers pyrénéens confient par exemple que 1000 brebis tarrasconnaises sont impossibles à garder serrées pour les protéger du loup et de l'ours... Par contre, des troupeaux de 300 brebis par berger seraient protégeables. C'est l'intensification moderne du monde de l'élevage qui a amené un pastoralisme de grands troupeaux à taille inhumaine sur lesquels les grands prédateurs ont la tâche facilitée. Le loup devient l'arbre qui cache la forêt du mal être animal : Les bergers s'accordent à considérer que l'individualisation des soins n'est pas possible dans ces conditions, ont par exemple du mal à isoler rapidement et soigner une brebis boiteuse.
C'est ça qu'il faut demander, mais ce serait se désolidariser de certains éleveurs ; les vrais prédateurs ne sont-ils pas ces quelques éleveurs qui ne paient pas bien les bergers, se plaignent du loup et ramassent l'argent des aides publiques sans les optimiser et parlent haut et fort ? S'ils font des cabanes en plus, fractionnent les troupeaux, achètent des patous, on saura faire, c'est de l'extensification ! Dans le Vercors, l'arrivée des aides bergers, en doublant la présence humaine, oblige actuellement à repenser le logement et améliorer le confort.